Mercredi 11 octobre 2017. 19h. Une trentaine de jeunes femmes, quelques messieurs et moi-même débarquons dans la jolie cour pavée de l’hôtel The Hoxton, dans le Sentier. Et pour cause ! L’influenceuse aux 600 000 abonnés Jeanne Damas et la journaliste Lauren Bastide sont venues, accompagnées de Chloé, leur éditrice, nous présenter le fruit de leur collaboration : À Paris. Un livre grâce auquel elles souhaitent mettre en lumière la multiplicité des Parisiennes à une époque où la presse et les marques ont encore tendance à entretenir l’image de LA Parisienne, unique et stéréotypée.

~

~

~

Point de départ de cette aventure : les photographies prises, depuis ses débuts de blogueuse, par Jeanne Damas, la créatrice de la griffe Rouje, et l’envie d’en faire quelque chose, « peut-être une expo ». Quand vient finalement l’idée d’en faire un livre, l’influenceuse fait appel à la plume de son amie, la journaliste Lauren Bastide, co-fondatrice du studio Nouvelles Écoutes et hôte du podcast féministe La Poudre, et ensemble elles partent à la rencontre des Parisiennes, « toutes les Parisiennes ».

Lauren Bastide décrit elle-même leur démarche comme « inclusive », l’idée étant d’élargir la définition de la Parisienne et de mettre de côté toute considération de style, taille, âge ou origine pour permettre ainsi à toutes les femmes de se sentir concernées. Car pour les deux jeunes femmes, « il y a autant de Parisiennes que de femmes », un peu comme « il y a autant de vérités que d’individus » (Eric-Emmanuel Schmitt, 2000).

L’ouvrage cherche donc tout simplement à briser les clichés. Un objectif quelque peu contrarié, car de l’avis des auteures elles-mêmes, certains clichés se vérifient. Ainsi, à la question « À quel moment vous sentez-vous la plus parisienne ? », la plupart des interrogées ont répondu « À la terrasse d’un café ». Quoi de plus normal en effet que de se sentir parisienne en pareilles circonstances quand on sait que le monde entier n’a de cesse d’associer l’image de la femme française à celle du café-croissant-cigarette en terrasse ! Et Lauren d’ajouter : « Ce n’est pas pour rien qu’on a choisi de mettre la photo d’une tasse de café sur la couverture. »

~

~

~

Les deux amies s’accordent à définir les Parisiennes – et par extension les Françaises – par leur « parfaite imperfection », celle que le monde entier semble nous envier. Etre parisienne relèverait davantage d’un état d’esprit, une attitude, que de l’uniforme jean slim-mocassins-bouche rouge dont les médias ont vite fait de nous affubler. Selon Jeanne, c’est cette désinvolture toute française qui fait notre charme et qu’on nous envie : cette nonchalance avec laquelle les Parisiennes composent leurs looks (à supposer déjà qu’il y ait une volonté de composer quoi que ce soit au départ) s’oppose radicalement à la sophistication des New-Yorkaises par exemple qui « peuvent passer deux heures à essayer d’obtenir un coiffé-décoiffé ». Pour Jeanne, les Parisiennes sont cool « mais pas dans le sens hype du terme, dans le sens relax ».

~

~

~

En amont de la sortie de À Paris c’est un travail de près de deux années – dont une à sillonner les rues de la capitale à la recherche de femmes inspirantes – que les auteures ont transformé en une série de vingt portraits et autant de façon d’être parisienne et de vivre à Paris. Il s’agissait finalement de dresser un portrait de Paris à travers celui des filles rencontrées. La ville elle-même est « la vraie Parisienne », c’est elle qui fascine, qui a créé et qui encore aujourd’hui fait vivre le mythe de la femme parisienne. Les clichés ont encore de beaux jours devant eux. Du moins aussi longtemps que Paris continuera de faire rêver les touristes du monde entier.

~

~

~

À Paris se lit très vite. Ayant un autre livre « en cours de lecture », je souhaitais attendre un peu avant de parcourir les quelques deux cent vingt pages de reportages et de visuels et me suis contentée de lire un portrait au hasard. Puis un autre. Qui en a appelé un autre. Et ainsi de suite. Aussi divers ces portraits soient-ils, ils résonnent forcément en chaque Parisienne, et l’on prend plaisir à lire ces parcours, ces petites habitudes, ces points de vue sur la vie à Paris qui pourraient être les nôtres.

À l’issue de chaque portrait, Jeanne et Lauren présente un aspect de « leur » Paris à elles, de leurs adresses favorites à leurs « uniformes » saisonniers – là aussi l’idée est d’éviter d’imposer quoi que ce soit, de « lutter contre les injonctions ». Ce ne sont pas les imperfections qui manquent dans les photos, prises à l’occasion des interviews pour certaines, choisies parmi les archives de Jeanne pour d’autres, mais les portraits n’en sont finalement que plus authentiques.

~

~

Iconoclaste et inclusive. Voilà en deux mots la démarche pluridisciplinaire de Jeanne Damas et Lauren Bastide, qui de leur propre aveu regrettent de ne pas avoir accorder davantage de visibilité à la banlieue. Une prochaine fois, peut-être ?

~

À Paris de Jeanne Damas et Lauren Bastide, Éditions Grasset, 24€

~

~